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3 propositions pour renforcer la protection sociale des conjointes de militaire

Ces propositions ont été élaborées grâce à des sondages, des témoignages fournis pendant plus de deux ans de travaux menés par un groupe de travail du réseau Women Forces. Elles ont été transmises aux parlementaires.

À l’heure de la réforme des retraites et de l’adoption de mesures visant à corriger les inégalités homme-femme, nous appelons l’attention des parlementaires sur cette population particulière et discrète : les conjointes de militaire.

Dans un contexte de préparation au conflit de haute intensité, d’une forte tension des effectifs, des difficultés de fidélisation, « il est urgent de renforcer l’accompagnement social des familles de militaire en compensant les sujétions militaires », soulignait le rapport d’information de la Commission Défense de l’Assemblée Nationale en décembre 2021

Elles représentent 106 000 des 123 000 conjoints de militaire soit 85%. Le modèle de la femme de militaire au foyer est révolu : 73% [1] d’entre elles sont en activité mais subissent des carrières discontinues, avec des cotisations disséminées sur des régimes de retraite différents sans continuité. Ainsi, 65% de nos sondées ont connu des changements de caisses d’assurance, dont la moitié plusieurs fois. 

Or, 44% des femmes partent à la retraite avec une carrière incomplète, subissant une décote du montant de leur pension. Et 20% d’entre elles travaillent jusqu’à 67 ans (contre 10% des hommes) à l’âge de l’annulation de la décote. 

Mais compte tenu des carrières incomplètes des conjointes de militaire, le minimum annoncé dans la réforme ne pourra être appliqué à ces femmes aux carrières hachées. 

Les mutations avec changement de résidence fragilisent leur situation professionnelle

En 2020, 35 000 militaires ont été mutés avec changement de résidence. Un an après la mutation, 37 % d’entre elles n’ont pas trouvé d’activité professionnelle. Cette mobilité, lorsque les bassins d’emploi sont peu dynamiques, donne lieu à de nombreux trimestres perdus.  Ainsi, 40% de nos sondées ont subi une perte de trimestres induite par cette mobilité. 

À cela s’ajoute une réelle perte de chance professionnelle, empêchant ces femmes d’accéder à un parcours correspondant à leur expérience ou leur qualification. 

La conséquence en étant une retraite moindre d’une part et une dépendance économique d’autre part.

Les absences répétées et imprévisibles, obligent le recours à du temps partielplus élevé que la moyenne des Françaises.

En effet, les projections des militaires en opérations extérieures ou intérieures ainsi que les activités de préparation opérationnelle créent des besoins d’accompagnement pour les enfants. 

Ces besoins poussent les conjointes aux compromis professionnels pour pallier l’absence du militaire. 

Or, comme l’affirmait Madame Isabelle Rome, ministre de l’égalité homme-femme « la question du temps partiel défavorise particulièrement les femmes dans le calcul de la retraite [4] ».

Enfin, ajoutons à cela les taux de séparation et divorce, plus élevés chez les couples militaires que la moyenne des couples français. Comme le soulignaient les membres de la Commission Défense : « Les militaires sont également plus nombreux à divorcer que le reste de la population [5]». Ainsi, certaines ex-conjointes ont renoncé à leur carrière pour préserver la stabilité familiale. Elles peuvent connaitre une réelle précarité après leur divorce.

Toutes ces situations, récurrentes au cours d’une carrière, pénalisent la carrière des conjoints et hypothèquent leur retraite. 

3 Propositions

1.     Cessibilité de bonifications du militaire:

Nous demandons, lors de la liquidation de la pension du militaire, l’étude de la cessibilité de certaines de ses bonifications (trimestres) à son conjoint dans la limite de 8 trimestres et dans des conditions strictes. Ces bonifications sont acquises lors des périodes de disponibilité hors norme. Leur transfert, lors de la liquidation de la pension du militaire, serait une mesure technique mais facile à mettre en œuvre.

En effet, un militaire en mission ou dans certaines conditions d’exercice de sa fonction, cotise plus rapidement. 

Les bonifications acquises lors de ces périodes pourraient être appréciées strictement et transférées au conjoint. Leur attribution reconnaitrait le préjudice subi par ces invisibles.

2- Reconnaissance de trimestres de bonification au titre du soutien à la condition militaire 

À l’instar du statut d’aidant qui vient d’être promu par Madame la Ministre Darrieussecq, des trimestres de bonification par quota d’opérations extérieures, de mutations, de déploiements opérationnels, pourraient être reconnus pour le conjoint.

Le tout dans la limite de 8 trimestres par conjoint, comme l’instaure le nouveau statut du proche aidant. 

3- Neutralisation des décotes multiples :

Enfin, nous demandons que l’appréciation de la décote s’apprécie non par régime mais sur la totalité des régimes. À minima que ses effets puissent être neutralisés pour les conjoints qui subissent ces mutations.

Pour que la Nation reconnaisse les efforts fournis et le préjudice subi par ces conjointes, au nom de l’égalité homme-femme, parce que c’est plus difficile pour les conjointes de travailler durablement tout en acceptant de partager cette vie hors norme, il est urgent de renforcer l’accompagnement social des conjointes de militaire en compensant les sujétions militaires, ce par le biais d’une bonification des trimestres. 

[1] Voir rapport d’information de la Commission Défense de l’Assemblée Nationale du 14.12.2021 

[2] Voir rapport HCECM 07.2022

[3] Source : Rapport du HCECM 07.2022 consacré à la mobilité.

[4] Audition de Madame Rome, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, sur le bilan de son ministère concernant les droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes,6.10.2022.

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